samedi 15 septembre 2012


DIMANCHE 9 SEPTEMBRE 2012


DIMANCHE 23 SEPTEMBRE 2012

21ème promenade des Fans du Mascaret

La  21ème promenade des Fans du Mascaret
 partira à 10heures précises 
de Langoiran, lieu dit "Le Pied du Château"
et se terminera à Cadillac à 17h 45

le retour au point de départ s'effectuera en bus CITRAM sur la ligne 501 pour la modique somme de deux euros cinquante centimes




L'assemblée générale se tiendra sur le lieu du pique-nique, dans le parc du Château Salins à Rions
 si le temps est clément, sous la Halle-Aux-Petits-Pois de la même ville s'il ne l'est pas.
 Les cotisations (2 euros cinquante centimes par personne) seront  perçues lors de l'apéritif offert par les Fans, le bilan moral sera présenté en hors d'oeuvre, le bilan financier en plat de résistance et l'élection du bureau s'effectuera dans le plus grand respect des règles démocratiques au dessert.
Café ou Thé à la Menthe seront offerts mais n'oubliez pas votre Pique-Nique et les boissons qui en accroissent le charme et aiguisent la convivialité


Du fait de l'impossibilité d'obtenir une modification du cycle lunaire nous ne pourrons pas vous proposer le 23 septembre de Mascaret : les coefficients seront alors au plus bas et le Mascaret ne sera ce jour là qu'une vaguelette dérisoire...

Vous trouverez donc ci dessous un calendrier vous indiquant les heures du passage du Mascaret sur la Garonne, le plus important devant être celui du 17 septembre

Vous trouverez en outre, à la suite de ce calendrier et de l'adresse du site publiant les heures de passage du Mascaret un article de votre Conducator  ainsi que le texte apocryphe du livret de la première promenade dont nous suivrons le 23 le tracé approximatif

Heures passage du mascaret à ARCINS, LANGOIRAN et PODENSAC, port de référence BORDEAUX 
(heures de la montre (heures légales)) 


Septembre 2012 


coef
Arcins
Langoiran
Podensac
Samedi   1
98
17   17
18   02
18   32
Dimanche   2
96
17   51
18   36
19   06
Lundi   3
90
18   22
19   07
19   37
Mardi   4
81
18   49
19   34
20   04
. . . . . . . . .
Vendredi  14
80
15   16
16   01
16   31
Samedi  15
92
16   06
16   51
17   21
Dimanche  16
101
16   52
17   37
18   07
Lundi  17
106
17   35
18   20
18   50
Mardi  18
105
18   17
19   02
19   32
Mercredi  19
99
18   56
19   41
20   11
Jeudi  20
88
19   35
20   20
20   50
. . . . . . . . .
Vendredi  28
85
15   29
16   14
16   44
Samedi  29
91
16   11
16   56
17   26
Dimanche  30
93
16   48
17   33
18   03


LE MASCARET


Depuis  le lent retrait d’Océan qui dans la moiteur tropicale du XXX millénaire recouvrait le corps alangui de Gironde,  eaux  confondues en un seul flot que bouleversaient les courants marins,  le corps de la nymphe est étendu  dans un abandon quasi léthargique aux confins des terres d’oïl et d’oc, la tête encore baignée dans l’estuaire qui défait sa chevelure de Marie Madeleine aux reflets brun de Gers ou roux de Tarn, la nuque caressée par les cordons dunaires à la vivifiante chaleur, les reins soutenus par les amples croupes médocaines, les jambes, dont la résille des carrelets de Garonne et Dordogne soulignent encore les contours,   étendues dans les prairies aquitaines. On pourrait croire en un dormeur du val féminin victime de conflits géologiques. Mais la nymphe vit encore, son combat ne fut qu’une joute amoureuse et elle espère le nouvel assaut de l’Océan qui bientôt, trou d’ozone aidant, la recouvrira à nouveau. Le signe de cette attente bercée par le souvenir c’est un frisson qui au rythme lent de la respiration cosmique parcourt le corps de la nymphe et moire imperceptiblement la soie de ses longues cuisses : le Mascaret.



On peut préférer à cette interprétation mythologique du mascaret une explication plus positiviste et quasiment pornographique  qui consiste à exposer tout crûment et d’une manière à vrai dire choquante pour qui vit ce phénomène comme une irruption périodique du merveilleux : le mascaret ne serait que la résultante de formation de vagues d’eau profonde se déplaçant rapidement et transportant la marée montante en vagues d’eau peu profonde et de plus courte longueur d’onde ; la forme et la force d’un mascaret ne dépendraient nullement de l’acuité des souvenirs de Garonne ou des séquelles de l’ardeur d’Océan, mais de règles physiques définies par William Froude au XIXème siècle, démiurge obscur, concepteur d’un nombre, baptisé F égal au rapport entre la vitesse du mascaret et la vitesse des vagues d’eau peu profondes sur la partie non perturbée de la rivière en avant du mascaret. « Si F est compris entre 1 et 1,7, le mascaret est ondulant. Au-dessus de 1, 7 tous les mascarets déferlent. Entre 1,7 et 2, 5 il se forme un ressaut faible. Entre 2,5 et 4, 5 il y a formation d’un ressaut oscillant violent qui peut envoyer de grandes vagues vers l’aval. Entre 4,5 et 9 un ressaut stable se forme, c’est le mascaret le mieux défini, enfin, si F est supérieur à 9, de grands jets d’eau se répandent souvent en avant du mascaret. »
                Autant dire que si la fable peut laisser incrédule certains de nos contemporains, la physique ne contentera que les esprits arides, les âmes atones et les cœurs exsangues, un moyen terme pourrait, sans dénier sa personnalité à l’Océan Atlantique ni sa physionomie attrayante à la Gironde, rendre compte de ce phénomène en termes mieux adaptés à l’appréhension du monde, à la manière de ces manuels scolaires de la troisième république qui avaient pour vocation de former des hommes et non de ramener l’univers à un principe unique, divin ou mathématique.
                Quelle que soit l’explication donnée au phénomène, un mystère demeure, celui du nom qui lui est donné et qui semble bien d’origine gasconne : Furetière en effet écrit du mascaret que « c’est un reflus violent de la mer qui remonte impétueusement dans la rivière de Dordogne, qui fait le même effet sur cette rivière que celuy qu’on appelle la barre sur la Seine. les naturalistes ont de la peine à expliquer cette sorte de reflus qui est particulier à ces deux rivières ». On remarquera d’une part que Furetière ne signale pas le mascaret de Garonne, d’autre part qu’il ignore qu’un phénomène semblable est observable sur d’autres rivières françaises comme l’Orne, le Couesnon, la Vilaine, la Loire, et a fortiori sur de multiples cours d’eau de la planête. L’emploi du terme s’applique avec quelques variantes (mascarin pour la Vilaine) à toutes ces rivières et il est donc vraisemblable qu’il a détrôné celui de « barre », plus générique auprès des géographes du XIXème siècle. Le mascaret de Dordogne serait donc en quelque sorte un paradigme de ces « reflus violents de la mer ». C’est du reste au mascaret de Dordogne que se réfère également Bernard Palissy dans ses Discours admirables de la nature des eaux et des fontaines parus à Paris chez Martin Le Jeune en 1580.  Le mot est supposé découler du bas latin mascarare,  tâcher, salir : le qualificatif mascara ou mascarat désignait une espèce de bovidés à la robe brune, comme la blonde d’Aquitaine ou le bœuf gras de Bazas, dont les bonds pouvaient évoquer l’agitation de la rivière parcourue par le long frisson brunâtre. Reste à savoir, pour nous aquitains, si le mascaret était exclusivement de Dordogne ? on peut en douter, qu’en était-il de l’Adour avant que Louis de Foix n’en détourne le cours, qu’en était ’il de la Garonne ? Pour cette rivière, des éléments de réponses peuvent être suggérés à titre d’hypothèses. Il y a tout lieu de penser en effet que le mascaret de Dordogne ait été au XVIème siècle beaucoup plus considérable que celui de Garonne : les configurations des deux rivières étaient en effet totalement différentes dans la zone où est susceptible de se faire sentir le mascaret. En amont de Libourne, en effet, le cours de la rivière n’a guère évolué au cours des temps historiques : canalisée par les collines de l’Entre deux Mers et les côtes du Fronsadais, le lit de la Dordogne semble avoir présenté un profil constant. Il en va tout différemment de la Garonne en amont de Langon : bien calée au nord par les escarpements calcaires des premières côtes de Bordeaux, sa rive gauche est en revanche constituée par une succession de marais sur lesquels viennent mourir les Graves bordant la plaine landaise. A hauteur d’Ayguemortes Isle Saint Georges, Portets et Arbanats, là où de nos jours le mascaret est le plus fort, le fleuve divaguait au moyen âge entre quantité d’iles dont quelques-unes subsistent (Arcins, Lalande), mais dont la plupart constituent le territoires des actuels « palus ». Les multiples bras de Garonne constituaient autant de cours d’eaux peu profonds que l’on franchissait le plus souvent à gué. La navigation s’en trouvait passablement entravée, voire impossible en fin d’été. Très tôt sans doute, peut-être dès l’époque romaine, avait-on tenté de favoriser la création d’un lit principal sinon unique par l’installation à la pointe des îles de clayonnages barrant les lits secondaires. L’accumulation des « bagasses », débris de végétations, au moment des crues, colmatées par la « lize » en suspension dans les eaux contribuaient à ces opérations qui suffisaient pour assurer le passage de bateaux de vingt à trente tonneaux pour les plus importants d’entre eux. L’absence de coordination rendait cependant ces entreprises peu efficaces : l’association des marchands d’eau du bassin aquitain, créée par lettres patentes de Louis XII se voyait bien confier la tâche de supprimer « tous les empêchements et entreprises qui offusquaient la navigation », mais cette mission se heurtait tant aux obstacles naturels qu’aux intérêts particuliers des féodaux détenteurs de péages et des propriétaires de centaines de moulins à nef ou d’installations fixes de pêche installés sur le fleuve.
Colbert devait, par sa détermination à « rendre les rivières navigables autant qu’il est possible pour la commodité des peuples », triompher de ces difficultés multiples avec l’aide des ingénieurs des ponts et chaussée : le creusement du canal du midi rendait indispensable l’aménagement de la Garonne. C’était faire le lit du mascaret, qui au fur et à mesure que les bras secondaires mouraient renforçait son effet à la grande satisfaction des bateliers qui utilisaient le jusans pour remonter jusqu’ à Langon. Désormais, le mascaret cessait d’être spécifiquement dordognot pour devenir girondin.
                Si le mascaret est effectivement aussi girondin que la blonde d’aquitaine ou le bœuf gras de Bazas et si la Gironde est le seul département à pouvoir s’enorgueillir de posséder deux mascarets, il doit bien y avoir là dessous une raison profonde, une résonnance insoupçonnée : cette manière manifeste de faire fi de la loi commune, de marcher à contre-courant, de revenir inlassablement sur ses pas ou de pratiquer assidument le pas de clerc ne serait-elle pas une attitude particulièrement prisée des girondins ? je laisse à d’autres le soin d’en juger, mais pour ma part je n’hésiterais pas à revendiquer le mascaret comme emblème d’une politique sage et mesurée qui au prix d’un perpétuel retour sur soi même évite de se laisser entraîner par le courant dominant vers on ne sait quels abymes marins. Mener la politique du mascaret est plus que jamais nécessaire face à l’unification des courants de pensées en une logorrhée monocorde qui n’est malheureusement pas l’apanage  du Monde, du Figaro, de El País, du Herald Tribune ou des éditions girondines de Sud Ouest.

                La Gironde n’est pas cependant, on l’a vu, le seul estuaire où se manifestent ainsi les remontées des marées. En Angleterre, la Trent, entre Gunness et Gainsborough,  la Severn, entre Severn Bridge et Gloucester, la Parret et la Wye sur le canal de Bristol, la Mersey, la Dee, la Forth et la Spolway Tirth sur la mer d’Irlande sont également parcourus de ces frissons glacés que chevauchent les surfeurs, en Amérique du Nord, les mascarets des rivières Peticodiac et Salmon qui se jettent dans la baie de  Fundy en Nouvelle Ecosse ou ceux  du Turnagain Arm et de Knick Arm près d’Anchorage en Alaska charrient parfois des glaçons. Plus amène thermiquement parlant sont les mascarets brésiliens :Capim, Canal do Norte, Guama, Tocantins, Araguari, et surtout celui du Pororoca qui, remontant l’Amazone, fait encore sentir ses effets à huit cent kilomètres de l’embouchure. Les tours operators qui seraient tenter de proposer un séjour « surf-samba » doivent cependant y réfléchir à deux fois : l’idée d’une glisse de quelques centaines de kilomètres peut constituer un argument de vente, mais l’amplitude du Prororoca le rend impropre à tout usage ludique : ses vagues de plusieurs kilomètres de large atteignent parfois sept mètres cinquante de hauteur. On peut encore évoquer le mascaret du Gange de l’Indus, du Narmada ou du Hoogly en Inde et au Pakistan, mais le champion des mascarets est sans nul doute celui du Tsientang, en Chine qui atteint une vitesse de quinze nœuds à la hauteur de Hangchow. Il est vrai que ce dernier n’est pas vraiment un phénomène naturel si l’on en croit la tradition qui y voit le châtiment divin d’un empereur jaloux d’un de ses généraux trop populaire. Le mascaret du Tsientang, comme celui de Gironde, est sans doute un mascaret récent non seulement à l’échelle géologique, mais aussi à l’échelle historique : il est vraisemblable qu’il n’existait pas au XIIIème siècle, on comprendrait mal autrement que Marco Polo qui passa 18 mois à Hangchow et rédigea un compte-rendu détaillé de son séjour ne mentionne nulle part le mascaret du Tsientang. Des récits chinois plus récents au sujet de la révolte populaire provoquée par le mouvement Taiping en 1850 montrent par ailleurs que le mascaret était alors beaucoup plus faible qu’aujourd’hui.  Les mascarets sont effectivement inconstants : le mascaret de Seine, « la barre » à l’inverse de celui du Tiensang a décru depuis quatre décennies : il était encore spectaculaire dans les années 1960 avant que les aménagements du port du Havre n’en aient considérablement amoindris les effets. Les vagues déferlantes du mascaret de Seine furent la cause de la mort de Léopoldine Hugo emportée avec son mari  Charles Vacquerie, Pierre Vacquerie, l’oncle paternel de Charles et Artus, le fils de ce dernier âgé de dix ans, alors qu’ils se rendaient de Villequier au Havre dans l’après-midi du 4 septembre 1843. « Le temps était superbe, la mer paisible et toute crainte était chimérique »  écrivait Adèle Hugo en évoquant ce tragique souvenir, mais c’était sans compter sur les fortes marées d’équinoxe ;  la barque chavira à hauteur du lieu-dit « le Dos d’ Âne », Léopoldine fut entraînée par le courant Charles Vacquerie, son jeune époux tenta de la sauver mais périt avec elle :

leurs âmes se parlaient sous les vagues rumeurs
-Que fais-tu ?  disait-elle.-et lui disait : Tu meurs ;
Ilfaut bien aussi que je meure!-
Et, les bras enlacés, doux couple frissonnant,
Ils se sont en allés dans l’ombre ; et maintenant
On entend le fleuve qui pleure.

                Le Mascaret ne serait donc qu’un mascaret, et l’un des moindres,  et la Gironde qu’une gourgandine parmi tant d’autres à recevoir les hommages des océans ? on peut en douter, car Le Mascaret de Gironde est unique comme est unique toute expérience amoureuse en dépit de la biologie des passions et de la reproductibilité des particules élémentaires. Le mien est celui du Tourne. Il regroupe depuis des temps immémoriaux commères et enfants des écoles, vieillards et désœuvrés, chômeurs permanents ou occasionnels, ouvriers et employés débauchés en bord de Garonne lorsque les grandes marées d’août et de septembre promettent des mascarets spectaculaires. L’heure est donnée dans « le » Sud-Ouest à la rubrique marées de la dernière page : le mascaret du Tourne s’aligne sur celui de Libourne puisqu’ils sont issus d’un même courant, encore imperceptible en surface lorsque le fend en deux le scalpel du bec d’Ambés. L’esplanade ombragée de Tilleuls se peuple quelques dizaines de minutes avant l’heure prévue les groupes se forment les conversations se lient les papotages vont bon train tandis qu’à l’extrémité de la cale des chantiers Tramassset quelques veilleurs  guettent à l’horizon de Portets une altération du scintillement de Garonne qui signale que la vague de front aborde la grande courbe de Valade. Sept ou huit minutes suffiront au mascaret pour remonter la rivière sur plus d’un kilomètre, temps suffisamment long pour que les conversations s’apaisent à mesure que monte le grondement de la mer : car la magie du mascaret lie les langues les plus alertes et les oreilles les moins sensibles aux chants des sirènes s’émeuvent au bruit de cette vague qui obstinément repousse les limites de la terre. Cette vague ou plutôt ces vagues, car derrière celle de front  qui ondule ou déferle selon l’humeur des vents et le niveau de l’étiage se succèdent des dizaines d’ondulations, les premières parfois considérablement renflées comme les dos lustrés de gigantesques squales, les dernières réduites au clapotis des soirs d’été du bassin d’Arcachon. Les grandes courbes de Garonne qui brisent un peu l’élan du mascaret sont responsables d’un phénomène observable en plusieurs endroits de son parcours : plus rapide à l’extérieur de la courbe qu’à l’intérieur, le mascaret vrille ses vagues dont les ondulations dessinent des vis sans fin au pas étrangement ample et régulier. La rivière brusquement change d’aspect : de long fleuve tranquille elle devient pour quelques instants bras de mer et les mouettes qui suivent parfois le mascaret semblent portés par l’air marin dont le parfum iodé envahit les berges. Cette étrange métamorphose suffisait naguère au plaisir des riverains et constituaient, lorsque le passage du mascaret de Garonne correspondait à la fin de journée un spectacle que l’on suivait trois ou quatre soir de rang avec la même ferveur qu’à Bayreuth les ringophiles chevronés la tétralogie des fils du Rhin. Seule la durée du spectacle diffère, mieux adaptée celle-ci à l’impatience coutumière des peuples du sud et à l’appel du petit vin liquoreux de nos coteaux, voire,  à celui du pastaga des familles. Depuis quelques années on note une colonisation du mascaret par de nouveaux « aficionados » les premiers de ces intrus furent les surfeurs qui alléchés par la renommée d’une vague théoriquement déferlante sur plus de vingt kilomètres de parcours se regroupent sur des points stratégiques de son parcours pour se laisser porter, les plus habiles sur quelques centaines de mêtres, par une eau brunâtre au parfum de vase. Cette attraction nouvelle n’a guère d’inconvénient que pour ses acteurs, il en va tout autrement des amateurs d’engins motorisés : hors-bord, motos ou autres.... Rossinantes pétaradantes de grotesques Don Quichotes qui loin d’afficher l’exquise courtoisie du chevalier à la triste figure sacrifient le plaisir des amateurs de mascaret à leur névrose à deux ou quatre temps. Il serait bon de faire comprendre à ces trouble-fêtes que  les contemplatifs ont eux aussi droit d’exister et de profiter de ce qui nous reste de Mascaret, car les mascarets aussi sont mortels. On signalait la disparition du mascaret de Seine tué par les aménagements du port du Havre ; au Mexique, le « burro » qui atteignait parfois 4,5 mètres de haut dans sa remontée du Colorado a été supprimé par l’envasement et les travaux d’irrigation qui ont transformé l’embouchure du fleuve, ce ne sont là que des exemples et la chronique nécrologique des mascarets reste à faire. Celui de Garonne n’est plus le mascaret qu’ont connu nos parents ou nos grands-parents ; les dragages intensifs qu’ont connu la Garonne et dans une moindre mesure la Dordogne depuis la fin de la guerre ont considérablement altéré la physionomie du lit de ces rivières, la destruction de la couche de gravier accumulée pendant des millénaires a irrémédiablement modifié les profils transversaux et longitudinaux qui modulaient le mascaret. Par endroit le fond de la rivière a été creusé sur une dizaine de mètres et les vases qui se sont engouffrées dans ces carrières sournoises ne sont souvent que le fruit de la décomposition des rives qui s’effondrent entraînant terres arables vignes et  vestiges de la ripisylve entretenue par des générations de paysans pour limiter les dégats des crues. En amont sur les deux rivières et leurs affluents, les détournements dérivations et barrages ont contribué à réguler l’écoulement de la rivière et s’il y a moins d’inondations, ce dont on ne peut que se féliciter lorsque l’on est riverain de Garonne, les étiages ne connaissent plus les maximas d’antan et les écarts entre les flux ascendants et descendants qui commandent l’amplitude du mascaret ne sont plus ceux qu’ils étaient il y a encore une trentaine d’années. Pour toutes ces raisons le mascaret de Garonne et de Dordogne n’est plus en cette fin de siècle ce qu’il était encore lorsque Joset, le héros des « Esprits de Garonne » d’André Berry

ouït l’air sourd du mascaret...
Non plus non plus cette vague bénie
qui dans le jour de leur premier pèché,
avait sauvé par bienveillant génie,
le nouveau couple à la souche accoché ;
mais une vague et plus haute et plus forte
qui charriait l’algue et la bête morte,
vague de fond qui, là bas s’emperlant,
mur long et haut montait en déferlant.

Dans les flocons la lune un temps cachée
se remontra, laissant apercevoir
A la lueur de sa lampe ébrèchée
La blanche mousse au sommet du flot noir...

La vague sombre et creuse
L’embrassa tout, le tordit, le roula ;
une autre lame, encor plus ténébreuse,
Sur le beau corps à son tour s’écroula.
En même temps on entendit la conque
Dont messer Drac sonnait dans sa spélonque.
Le coup frappé, le flot toujours montant
vint sur les bord s’étendre en clapotant

Volait sur lui, ses oripeaux pour aile
La Marracagne ; et des flots plus petits
Suivaient le grand, qui, dans les cannevelles,
Allaient mourir en moindre clapotis.

                Qu’ André Berry n’ait imaginé à la Marracagne, cette parque gasconne, d’autre complice que le mascaret, dit assez ce qu’il avait de redoutable lorsque toute une population qui vivait du fleuve, pécheurs, passeurs, bateliers, ne voyaient en lui qu’un danger contre lequel la prudence était de mise. S’il n’est pas tout à fait inoffensif de nos jours, il a perdu de sa vigueur, mais les plaisanciers imprudents rameurs ou pagayeurs de tout genre doivent cependant rester sur leur garde, les esprits de Garonne ont peut-être déserté le lit saccagé de la belle rivière, mais le Drac, le Follet, Blanchenègre et le Bécut, la Dame -Verte et le Mandagot, l’hideuse Marracagne enfin pourraient un jour revenir surfant sur le mascaret.
Cet article a été publié dans Le Festin n° 29, 1999



Le chemin des palus, première promenade des Fans du mascaret
2 juin 1991

Les fans, rassemblés sur l’esplanade du Docteur Josselin au Tourne harnachèrent leurs sacs-à-dos et chaussèrent leurs guêtres entre les piliers de pierre et bois de la grande halle des Chantiers Tramasset, haut lieu du patrimoine garonnais. Si l’historiographie désormais abondante des chantiers retient que cette entreprise connut au XIXème et au début du XXème siècle son heure de gloire, c’est oublier un peu vite les générations de Tramasset, charpentiers de marine saisonniers qui préparèrent le terrain depuis le XVIIème siècle à Pierre Tramasset qui construisit en 1837 le vieux chantier bringuebalant dont la tempête du 27 décembre 1999 devait avoir raison. La grande halle, et l’énorme étuve de tôle et de brique dans laquelle on cintrait les membrures des coureaux et des gabares, derniers vestiges de la considérable activité batelière de la Garonne a été sauvé de la ruine par la commune du Tourne qui en a confié la gestion à une association chargée de faire revivre les “ chantiers Tramasset ” en ressuscitant l’atelier de charpente et en faisant du lieu un pôle de développement culturel tenu de concilier respect de la tradition artisanale assaisonnée d’un brin d’utopie, culture locale et ouverture au monde. L’allée de platanes, qui importe en Gironde la formule plus méridionale des “ mails ”, et de ce fait destinée à être taillée “ à la française ”, n’en déplaise aux verts tenants de la taille “ à l’anglaise, conduit le bataillon vers Langoiran.Á la tête de la troupe, tel Bonaparte à Arcole, le chef des Fans conduit derrière un drapeau basque, choisi hors de tout esprit militant pour sa visibilité, la colonne vers les belles maisons des quais : l’imposante maison.... fut celle d’un négociant dont les chais se développaient jusqu’à l’Hôtel Saint Martin dont l’arrière salle constituait un Casino qui disputait au café Berquin, à droite du salon de coiffure et au café ... la clientèle prospère des charpentiers de barriques, tisserands, mariniers, commerçants et petits viticulteurs . L’aménagement des berges, entièrement empierrées , pourvues de cales et de degrés admirablement conçus et construits, la belle façade de maisons de pierre de taille, pourvues pour certaines d’entre elles de “ varangues ” de treillages d’inspiration coloniale, l’ambition urbanistique de la percée ménagée par la place Aimé Gouzy, signalent au promeneur le moins avisé un passé prospère non par le fait d’une espèce de fatalité économique, mais par celui d’investissements intelligents et adaptés aux réalités locales. Pour se convaincre du fait que l’ineptie administrative a pris le pas sur les raisonnables initiatives de nos grands-parents, il suffit d’observer l’absurde ponton sensé permettre le développement du tourisme fluvial. Adapté aux simples “ promène-couillons ” il est inabordable par toute embarcation traditionnelle non pourvue de moteur Yamaha Honda ou Mishugishi ; yoles, filadières, ou  canoës doivent s’échouer sur les lits de vases abandonnées par le fleuve ravagé par les extractions de graves sur des cales laissées à l’abandon qui année après années plongent en se démantelant dans la rivière meurtrie. Sans doute aurait-on pu à moindre frais prolonger les quais par un chemin piétonnier et une piste cyclable longeant la Garonne au pied du “ Château ” Richefort, des « roches Caugères ” et des jolis pavillons qui sont les sages “ folies ” petite bourgeoises de cette “ cité second empire/troisième république ” de Langoiran, qui n’a rien de médiéval, contrairement à ce qu’affirme un panneau placé à l’entrée du pont dit Eiffel, (en fait construit par l’entreprise.... en ...., au terme d’un combat de maires-coqs avec Cambes).

Au droit du chemin qui monte à Biac, qui fut un moment la maison du peintre Bonnard, le chemin improvisé gagne, au coin du petit bois d’acacias la digue qui protège “ la ” palue de Langoiran des crues saisonnières ; sur ce parcours sportif, l’angélique des marais, espèce protégée le dispute aux orties et aux graminées, redoutables en cette saison, qui transforment quelques nez de fans en gargouillettes ruisselantes. On prend alors du recul par rapport au pied du coteau dont le panorama s’élargit, permettant de deviner le château de Langoiran sur lequel flotte le léopard des Plantagenèts. Un cinéaste hollywoodien aurait fait passer au pied de son donjon la litière flottante d’Aliénor. C’est oublier qu’Aliénor était déjà étendue sous son gisant de Fontevraut quand le seigneur d’Escoussans posa la première pierre de son nouveau château. Celui qui vit passer la duchesse des amours courtoises n’était peut-être qu’une construction de terre et de bois, sise sur une île de Garonne que signale un faible renflement de la prairie en bordure du chemin qui mène à la ...... La grande sècheresse de 1985 qui donna des premières-côtes si charpentés révéla à François Didierjean, prospecteur aérien patenté, le plan de l’ancien château de Langoiran, qui pourrait bien être le   Modogarno Garumno signalé lors d’un concile du VIème siècle. Coupant à travers vignes, on atteint le port de Lestiac dont la cale, aussi mal entretenue que celles de Langoiran, accueillait l’embarcation du passeur, avant d’atteindre, à la limite de Paillet le petit hameau du Cap Horn qui est aux quarantième rugissant ce que votre mistigri est au Tigre de Mowgli.
Belles maisons de pécheurs, embarcadères flottants aux passerelles tingueliennes, cabanes de pêches dignes de figurer aux côtés de l’igloo de .... au CAPC, jardinets à la facteur cheval : c’est un régal pour les yeux, l’esprit, le cœur et l’âme que cette rive de l’ancien bras de Garonne, aujourd’hui presque totalement asséché qui abrite depuis des siècles les yoles des pêcheurs, et depuis de décennies au moins, celles des Pénichon, pères, fils et frères, dont les lamproies, les anguilles, les mulets et les aloses régalent les habitants de Paillet et des communes circonvoisines. C’est sous le mail de platanes que les agapes se tinrent et M. Pénichon ne se fit pas prier pour nous conter les pêches fabuleuses d’antan, échappant de justesse au surnom de Tartarin de Garonne en nous montrant les photographies de créacs, dominant d’une bonne tête d’esturgeon les pêcheurs qui durent avoir beaucoup de peine à tirer leurs filets chargés d’une telle proie.
Il fut bien difficile de se remettre en route après le café mitonné au chauffe lessiveuse par les stewards de service, mais les Fans s’ébranlèrent vers l’amont. Les maisons du port de Paillet affichent pour certaines d’entre elles fenêtres à meneaux, portes cintrées, corps de moulures à réglets et doucines qui montrent que ces bords de Garonne réputés insalubres étaient au XVIIème siècle déjà, bien habités : on y trouvait même un “ prieuré ”où l’on se plait à imaginer un gras prieur curieux d’innovations culinaires se faisant mitonner une lamproie au sang dans une sauce au vin relevée de poireaux ou bien se régalant de quelque timbale d’œufs d’esturgeons au sel du Pays de Buch. Un peu à l’écart du village, on passe sous la terrasse de château de Paillet flanqué d’aristocratiques pavillons à couverture d’ardoise rajoutés à une jolie maison des XVII et XVIIIème siècle. Le château appartint à la fin du XIXème siècle au marquis de Castelnaud d’Essenault qui fut l’un des membres éminents de la commission de monuments historiques. Archéologue amateur -très amateur-, il mit à jour au fond de son parc, en bordure de la route départementale des vestiges gallo-romains qui laissent supposer qu’il put y avoir là une villa de quelque importance. Le voisin de campagne du marquis, Jules de Gères, propriétaire du château Mony était un homme heureux : artiste, archéologue et homme de lettres il possédait une belle demeure aménagée au XVIIème et XVIIIème siècle, avec perron dominant les palus verdoyants où s’ébrouaient les blondes d’aquitaine, sous les magnifiques frondaisons d’un parc complanté d’essences rares. Le château, il est vrai avait complètement été détruit par un incendie en 1846, mais comme c’était un temps où tout allait très bien pour madame la marquise, Jules fit aménager les écuries comme résidence champêtre : la vie suivit son cours aristocratique et la fontaine continua à déverser son eau cristalline dans le fossé constellé d’iris jaunes.
De Mony, on a une très belle vue sur Rions, l’une des plus anciennes villes de Gironde, filleule de Bordeaux, dont les seigneurs tenaient le haut du pavé avant même la fondation de La Sauve au XIème siècle. Léo Drouyn qui fit beaucoup pour en faire connaître et protéger les monuments se faisait Cassandre lorsqu’il écrivait : “ Rions est encore aujourd’hui, mais seulement à cause de ses monuments une des villes les plus intéressantes du département de la Gironde. Du jour où elle les détruira ou les laissera tomber entièrement, elle perdra sa qualité de ville et descendra au rang des bourgades : il ne lui restera plus pour la distinguer de ses voisines que ses petits pois de primeurs, ses cerises et ses merveilleuses pêches ” Comme beaucoup d’archéophiles, Léo était lamentable en prospective, car c’est tout le contraire de ce qu’il semblait redouter qui se produisit : les monuments furent respectés -et la tour du Lyan “ restaurée ” par son propre fils, Léon-, mais ce sont les petits pois qui ont disparu, et les merveilleuses pêches que produisaient il y a encore quelques années la famille Arnaud ont regagné leur jardin des Hespérides sur les rives du Guadalquivir, d’où elles nous reviennent en quinze tonnes rugissants. On s’en consolera en parcourant les rues de la ville, en découvrant les remparts et la fontaine de Charles VII, l’église romane et gothique où est enchâssée une tête en marbre de l’empereur Hadrien, l’échoppe de marchand, les maisons médiévales et le si précieux cercle populaire qui mériterait un classement d’office. Au sortir de la ville vers l’est la belle porte en fer forgé XVIIIème du château Salin attend toujours qu’un Grand Maulnes en fasse grincer les gonds. En contrebas de Salins Lagrange possédait également un beau parc aménagé en terrasses. Le chemin qui longeait la Garonne a été englouti ces dernières années au profit de l’exploitation de graves de la rive opposée, la digue protégeant les installations ayant détourné le courant vers l’extérieur de la courbe selon un phénomène que tout imbécile peut imaginer mais qui ne semble pas cependant compréhensible aux ingénieurs des administrations gestionnaires du fleuve qui ont un tiroir-caisse à la place du cerveau. Il faut donc aujourd’hui contourner le domaine du Roc pour regagner le petit chemin qui passe sous le pont de Béguey toujours en attente du raccordement au “ barreau ” autoroutier pour lequel il a été conçu dans la clandestinité des opaques officines des ponts et ponts petits pataponts. L’admirable “ conche ” de Béguey défendue avec acharnement contre les absurdes projets routiers par Dany Lusseau est aujourd’hui en passe de devenir une rocade clochemerlesque et il faut l’oublier en traversant ce petit village, entre des façades encore pourvues, pour certaines d’entre elles de fenêtres à meneaux dont les caves étaient autant de chais d’où les barriques étaient chargées sur le bras de Garonne qui passait au pied du village. Au bout de la rue le monument dde Pierre Laffite de Louis Fournier dont le buste, fondu par les allemands a été remplacé par une vague réplique en résine due se découpe sur la sinistre départementale 10 qu’une minimale bonne volonté des aménageurs pourrait transformer en allée d’honneur conduisant au château de Cadillac.
Cette bastide, fondée en 1280 par Jean de Grailly accueillit à l’extrême fin du XVIème siècle un château dont Jean Louis de Nogaret de la Valette fit une espèce de Parnasse aquitain. La petite ville renferme encore de ce fait des monuments dignes d’une grande capitale européenne. Le château lui-même dont les substructions appellent un monument grandiose n’est pas à la hauteur de ses cheminées, chefs d’œuvre d’un maniérisme “ à la française ” dues au talent de Pierre Biard, qui semble avoir été l’homme-orchestre du Duc. Le Mausolée qui flanque au sud l’église tranche aec tout provincialisme artistique par le raffinement de ses détails architecturaux : corniche, portes, clôture de marbre, il fut peut-être dessiné par pierre Soufron, mais la Renommée de bronze de Pierre Biard en constituait le principal ornement ;  elle est si jolie personne que tout séjour prolongé dans son voisinage appelle un détour par le confessionnal. L’hôpital de Saint  Léonard qui fut, comme tous les hôpitaux de France et de Navarre hôpital de saint Jacques puisque les français du temps jadis se rendaient plus volontiers en Galice qu’aux Seychelles,  abrite maintenant des pensionnaires de la sécurité sociale dont certains sont autorisés à vaquer, en ville, à leurs occupations, c’est là renouer avec la tradition médiévale antérieure à l’âge du grand enfermement dont Cadillac est le paradigme de pierre avec son château-prison pour femme et son hôpital-maison de fous. On me pardonnera j’espère cette très peu politiquement correcte évocation de cette si jolie petite ville à la sortie de laquelle La Closière a été aménagée pour recevoir le syndicat des premières côtes de Bordeaux où l’on peut déguster ce vin liquoreux extrait des grains nobles de sémillon de muscadelle et de sauvignon cousin pauvre mais ô combien bien monté du Sauternes qu’il tient à distance au-delà de la rivière.
Ce n’est pas à la Closière qui était encore en 1991 sous la menace d’une transformation radicale en intermarché que l’on se désaltéra ce 2 juin 1991, mais à La Lesque où Catherine de Gabory ouvrit toutes grandes les portes de ses granges pour abriter les Fans de la menace de lourds nuages bleus noirs que poussait le Mascaret